- D’où vous vient votre passion pour l’écriture ?
On ne peut pas parler de passion. Comme enseignant, j’ai toujours écrit pour mes élèves, mes étudiants, mes collègues et mon administration. J’ai publié des ouvrages éducatifs et professionnels aux éditions Bréal, au CNED et aussi pour le compte de société comme Bull ou France-Télécom. Par ailleurs, j’ai réalisé des comptes rendus de mission ou de détachement au Ministère des Affaires étrangères. Ceci dit, ce recueil de nouvelles « Crissements de sable » est d’une certaine manière mon premier ouvrage grand public. J’y ai trouvé beaucoup de réconfort et de plaisir. L’écriture m’a révélé des capacités insoupçonnées pour construire une fiction à partir de quelques éléments.
- Présentez-nous votre ouvrage « Crissements de sable » en quelques mots ?
Il s’agit de 13 nouvelles dont le fil conducteur est le sable ou le désert. « Crissements de sable » nous livre tout d’abord des scènes ordinaires et touchantes de la vie oasienne avec les nouvelles : Tamat et L’arganier. Puis vient le récit de scènes qui témoignent du quotidien mais aussi du conflit des civilisations et des cultures avec les nouvelles : Oasis et Avant la mer. Le voyage se poursuit dans le désert pour aller plus au cœur du monde moderne et de ses fléaux : le nucléaire et le colonialisme avec la nouvelle Gerboise bleue ; le terrorisme avec Les ibis chauves. Suit une fable sur le discours politique avec les fauvettes babillardes. L’esclavage moderne est évoqué avec Khadija tout comme l’immigration avec Moussa. Enfin, Yéya rappelle que la lutte pour la culture et sa diffusion sont toujours d'une éternelle modernité. L'ouvrage se clot sur une derniere nouvelle plus tragique « Je suis ».
- Pourquoi avoir écrit ce livre ?
Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, je souhaitais offrir à mes enfants autre chose que mon affection ou des services, des biens matériels. Il me semble que l’écriture est un beau cadeau. C’est une source de vie et d’inspiration qui dépasse le commun et doit pouvoir nous aider à nous projeter. Ensuite, j’ai choisi des nouvelles courtes car je souhaitais que mes enfants puissent me lire facilement et me connaître ou reconnaître davantage. Je crois que nous sommes tous des êtres un peu mystérieux et qu’il est toujours agréable de se retrouver différent et aimant. Le papa qui fait la cuisine peut aussi être un conteur. Enfin, j’ai suivi les conseils de Boris Cyrulnik pour qui « un récit n’est pas le retour au passé, c’est une réconciliation ». Je me réconcilie donc avec moi-même en espérant servir aux autres.
- Pourquoi « Crissements de sable » ?
Je ne sais pas. C’est un peu le fruit du hasard ou alors cela cache des origines : j’ai été conçu au Mali puis j’ai quitté l’Algérie à la mort de mon père. Ma nounou était algérienne. J’ai en mémoire des photos de mon père, en saroual orné de croix d’Agadez, à dos de dromadaire. J’ai toujours aimé l’étranger, l’exotisme,… Ce qui est différent m’attire en quelque sorte comme beaucoup de gens. L’immensité, le désert tout comme l’océan, m’a toujours fasciné.
- A quel lecteur s’adresse votre ouvrage ?
Ce recueil de nouvelles s’adresse à tout public et à ceux qui aiment les histoires courtes. Il est toutefois plutôt engagé. Il prend le parti des gens modestes. Les thématiques sont fortes : les changements de civilisation, le colonialisme, l’esclavage moderne, etc. Cet ouvrage s’adresse donc à ceux qui sont sensibles aux bouleversements sociaux à travers un récit simple emprunt d’humanité.
- Où puisez-vous votre inspiration ?
J’ai construit ce recueil en partant d’un conte arabe que j’ai retravaillé pour le rendre plus pathétique. Puis mes lectures m’ont inspiré de nouveaux souffles. Je construis mes nouvelles avec deux images fortes : l’une à la fin ou à l’avant-fin, un lieu précis, et l’autre au début, un lieu différent, pour se laisser une marge de suspense et de trajectoire. Puis je relie le début à la fin à travers un récit qui est le fruit de mes recherches souvent hasardeuses et heureuses. Je mêle du savoir et des sentiments.
- Quelles sont les qualités de votre ouvrage ?
Ma culture est celle des bandes dessinées que j’ai abondamment lues. Ma mère tenait un tabac librairie en Corrèze. Adolescent, je me gavais de lecture (gratuite) le week-end après une semaine austère de pension au lycée. J’ai donc hérité d’un style extrêmement concis, facile à lire, presque brusque et laconique, avec une chute qui amène parfois à relire le début, comme si le puzzle était trop vite ou facilement terminé. Enfin, en tant que professeur, j’aime bien de temps en temps donner des explications.
- Quelles idées avez-vous souhaité faire passer ?
Je souhaite que l’on puisse retenir trois idées. La première, c’est que le Maghreb et l’Afrique subsaharienne forment un immense territoire où les peuples souffrent plus qu’ailleurs des chocs économiques, sociaux et environnementaux. La seconde, c’est que l’Islam est une religion tout aussi respectable que les autres. Et enfin, rien n’excuse la violence d’où qu’elle vienne, il faut l’anticiper par la diplomatie, l’éducation et la justice sociale.
- Quels sont les thèmes qui vous inspirent le plus ?
J’aime bien les récits où la petite histoire se transforme en révélation. L’histoire officielle est souvent réductrice. Et c’est souvent dans les faits divers et le social que s’inscrit pourtant l’histoire et c’est là qu’il faut creuser en littérature pour faire émerger d’autres vérités moins reconnues.
- Quels sont vos auteurs de référence ?
Chez les contemporains, j’adore les romans de Didier Daeninckx, Jean-Christophe Rufin, Sylvain Tesson, Olivier Adam, mais aussi Le Clézio, Carrère, Modiano, Echenoz… Merci à tous, ils m’accompagnent un peu tous les jours depuis plusieurs années !